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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/236

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annonça que Walt Whitman serait heureux de recevoir, le soir même, ses amis connus et inconnus à l’hôtel où il était descendu et dont j’oublie le nom.

Timides malgré l’invitation, mes deux amis et moi cherchâmes un prétexte pour présenter, mêlés à la petite foule des fidèles, nos hommages au Maître. Je me souvins à propos que je venais de recevoir de Paris quelques numéros de la Vogue, dont l’un contenant une traduction des Enfans[1] d’Adam par Jules Laforgue. Je courus chez moi, et muni du précieux opuscule, je m’en fus avec mes amis chez Walt Whitman.

On nous introduisit dans un grand salon déjà sombre où le poète, assis, recevait les visiteurs dont Stedman lui transmettait les noms. Attendant notre tour, je pus longuement le contempler de près. Je crois que jamais aussi beau vieillard n’a paru parmi les hommes. Certes Tennyson, Longfellow, Tolstoï furent beaux, mais d’une beauté plutôt spirituelle que plastique, tandis que chez Walt Whitman l’harmonie du corps était égale à celle de l’âme. Le visage était de proportions parfaites ; le front arrondi en dôme rappelait celui de Shakespeare ; sous la noble arcade sourcilière, les yeux, candides et bleus

  1. Sic. (Note de l’auteur).