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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/46

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VII

Tu n’avais pas ton pareil pour danser la gigue au son des orgues de barbarie qui s’arrêtent dans le brouillard au coin des rues. Et c’était merveille de te voir taper du talon le dur asphalte des trottoirs. Tu avais même appris la valse, et je t’ai vu, empoignant quelque maritorne en châle noir et au vieux chapeau à plumes, tournoyer dans les impasses de Whitechapel,

Tommy Atkins, ô Tommy Atkins !

VIII

Mais à force de s’amuser on oublie que la misère est toujours là, prête à vous ployer la nuque. Tu la ployas si bas que tu devins aboyeur[1] de journaux, cireur de bottes le jour ; et, la nuit, tu ouvrais la portière de leurs automobiles, sous la flamboyante électricité des façades de théâtres, aux bourgeois dont les cigares sentent bon. Et, tirant ta casquette et allongeant la main, tu leur donnais du « my lord » sans soupçonner que le vrai lord c’était toi, oui, toi,

Tommy Atkins, ô Tommy Atkins !
  1. Mot raturé, mais non remplacé. Variante (raturée) : crieur (Note d’A. Mockel).