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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/54

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la croupe, leurs ailes de bronze convulsées par le ciel, cent monstres imaginés par des sculpteurs qui sont tous morts, et sur la neige mate des boulingrins où se tordent frileusement, sous la serpentine étreinte des lierres, des statues qui furent des dieux et des déesses, palpite le pâle crépuscule du soir.

Et dans cette solitude que nul n’a violée depuis que le roi proféra, une nuit de lune, son premier cri de folie, le vent soulève des tourbillons vagues comme des rêves de vieillard ; et dans ce silence qu’aucun bruit n’a troublé depuis la chute furtive des dernières feuilles, murmure une fanfare lointaine comme un souvenir de batailles livrées en une autre vie.

Soudain, du fond de la pénombre colorée de rose et de sinople, le roi voit venir vers lui la défunte reine qu’il aima, dont le regard est plus terne que la glace des bassins et le teint plus mat que la neige des boulingrins ; ses mules d’or en cette solitude n’impriment aucune trace, pas plus que sa robe de pourpre ne répand aucun frisson dans ce silence.

Immatérielle en son manteau royal à ramages d’argent, elle se penche parfois pour cueillir, d’une main où flamboient des gemmes magiques, les fleurs imaginaires, amaranthes et asphodèles, qu’elle croit voir jaillir de la nappe glaciale de