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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/57

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Sous la menace des glaives, les vierges noires, prosternées au pied des autels où bâillent les formidables idoles, emmêlent leurs lourdes toisons aux cordes détendues des harpes.

Et la lune rouge, au-dessus du trône d’or où se crispe, sous la pourpre flasque des étendards, le cadavre dominateur du Roi, défie l’immobile élan des héraldiques chimères.

LES NOYÉES

Blonde en sa simarre violette chamarrée de licornes d’or, la Princesse est venue, par cet augural crépuscule dont s’ensanglantent les bannières de toutes les tours, s’accouder au parapet du pont qui relie d’une arche de marbre, par-dessus le Fleuve des Pleurs, la cour des bêtes fabuleuses à la prison des captifs de son amour.

Et tandis qu’à gestes hiératiques elle avive du sang du soleil les gemmes magiques de ses bagues, voici qu’éclatent du fond des cours semées d’ossements le hurlement des chimères dont ses dompteurs arrachèrent les ailes, et de l’ombre des lucarnes où se tendent des faces vertes, la lamentation à mille voix de ceux que la trop charmante enchanta.

Mais elle, impassible sous le poids des joyaux d’Asie et d’Afrique qui furent le tribut de sa redoutable beauté, se mire, ailée d’un éventail dont