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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/58

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les plumes en essor frôlèrent jadis les astres, au fleuve où semblent incessamment passer, indécis en le tremblement de l’onde, des cadavres de princesses aux simarres violettes chamarrées de licornes d’or.

LA PRINCESSE QUI ATTEND

I

En robe verte aux ramages de pâle argent, la princesse, laissant ruisseler hors du filet de perles les boucles rousses de sa lourde chevelure, entoure de ses bras plus blancs que les plus purs lilas de tout ce printemps le socle du cadran solaire où imperceptiblement s’allonge l’ombre des heures.

Et tandis que ses yeux céruléens guettent la fuite du temps, ses lèvres qui semblent avoir humé le sang des grenades blessées, murmurent une très ancienne ritournelle où revient, enguirlandé des mots du doux langage d’amour, le nom d’un prince qui partit jadis à la croisade.

Au fond des bosquets où tintent d’éternelles fontaines, mille oiseaux, s’égosillant en leurs derniers gazouillis, pleurent le crépuscule qui saigne, telle une mourante passion, entre les pilastres des cèdres, et chantent la lune qui pâlit