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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/95

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Quel est donc, au fond de ton sommeil, ce bruit de clairons
Grondant sur le choc des glaives et des boucliers ronds,
Foudre de cuivre dans le crépuscule des batailles ?
Quels sont ces cris sur la mer grise où brûlent des vaisseaux,
Lourds hurlements de haine, sourds sanglots de funérailles.
Hymnes de défaite ou de victoire après les assauts ?

Ô toi qu’envoûte un obscur nécromant, vois les ancêtres
Qui glissent à pas furtifs vers ta couche. Ils sont tes maîtres.
Tu râles sous leur souffle et ton cœur se glace à leur voix.
Tes yeux s’éteignent sous les leurs aux lueurs d’émeraude.
Et tu comprends soudain le chant des grèves et des bois
Au pays des rêves morts où ton épouvante rôde.

Soleils des temps anciens ! Lunes défuntes dans la mer !
Départs ! Conquêtes ! Désastres ! Siècles d’or ou de fer !
Je vous ai vus, je vous ai vécus ! Ma bouche assoiffée
A tari le sein de la Chimère, et pendant des nuits
J’ai dormi dans la chevelure et les bras de la Fée !
Aucun ne serait-il donc mort, de ces morts que je suis ?