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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/96

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Aucun, ni le traître qui remplit de poison ma coupe,
Ni, pire, la courtisane rousse à la lourde croupe
Qui d’un trait aspira tout mon désir entre ses dents ?
Ni toi, l’épouse, ni vous, enfants à la voix ravie,
Ni ceux qui tentèrent de me tuer aux temps ardents,
Ni ceux à qui j’ai donné le sang rouge de ma vie ?

Ah ! réveille-toi ! Repousse ces fantômes afin
De mieux adorer la rose nouveau-née au jardin !
Celle de la veille a perdu ses feuilles sous la pluie.
Tout passe, et tu ne peux saisir la brise entre tes doigts,
L’espérance qui fut à toi s’est à jamais enfuie
Comme l’oiseau bleu qui chantait dans les bois d’autrefois.

Ah ! réveille-toi ! Lave tes paupières dans cette onde
Qui coule des flancs et tombe des cieux de notre monde.
Qu’elle te soit lustrale au seuil des tombeaux dont tu sors !
Face au soleil ! Livre aux enfants tes baisers et ton âme
Et ne t’émeus pas d’entendre ressusciter les morts
À l’heure où s’éteindra, dans tes yeux, la nocturne flamme !