Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

assez connue, mais incompatible avec la vie de Marc-Aurèle, ce prince aurait coupé, avec un couteau frotté de poison sur un côté, une tétine de truie, dont il aurait présenté à son frère la partie empoisonnée. C’est un sacrilège que de lui attribuer ce crime, quoique le caractère et la conduite de Vérus l’eussent justifié. Nous ne mettons pas même en doute ce récit ; nous le rejetons comme entièrement faux, puisque, à l’exception de votre clémence, illustre Dioclétien, il n’y a pas eu, depuis Marc-Aurèle, un empereur que l’adulation ait osé lui comparer.


AVIDIUS CASSIUS,

PAR VULCATIUS GALLICANUS.

SOMMAIRE.

I. Origine d’Avidius Cassius. Sa haine conire les empereurs. Vérus fait part à Marc-Aurèle de ses soupçons sur Cassius. — II. Belle réponse de Marc-Auréle. — III. Caractére de Cassius. — IV. Sa sévérité, comme général.

— V. Lettre de Marc-Auréle sur les qualités militaires de Cassius. — VI. Ses règlements. — VII. II se fait nommer empereur en Orient, et il est déclaré ennemi public par le sénat. — VIIE. Clémence de Marc-Aurèle. — IX. Lettre de cet empereur et de Faustine touchant la révolte de Cassius. — X ; laustine excite Marc-Auréle à punir sévérement Cassius et ses complices. — XI.*Réponse de Marc-Auréle. — XII. Son discours au sénat, pour l’exhorter à la clémence. — XIII. Acclamations du sénat. Belle lettre de Cassius, nommé empereur.


I.

Avidius Cassius était, selon quelques-uns, de la famille des Cassius, et avait pour aïeul, du côté de sa mère, Avidius Sévère, qui parvint, du grade de centurion, aux premières dignités de l’état. Quadratus en parle dans ses Annales et même avec éloge, puisqu’il dit que c’était un personnage considérable, dont la république tira de grands services, et Marc-Antonin de bons conseils.

Il périt, sous cet empereur, d’une façon tragique. Issu, comme nous l’avons dit, des Cassius qui conspirèrent contre Jules César, celui dont nous écrivons la vie portait une haine secrète au gouvernement impérial, et avait en horreur le nom d’empereur ; nom d’autant plus odieux, disait-il, qu’on ne pouvait l’arracher à l’un que pour le voir usurper par un autre. On dit qu’il tenta, dans sa jeunesse, d’ôter le trône à Antonin le Pieux ; mais que ce projet d’usurpation resta un secret, grâce à la sagesse et à la prudence de son père.

Néanmoins Cassius demeura toujours suspect à ses chefs. Le passage suivant d’une lettre de Vérus prouve qu’il forma aussi contre lui de pareils desseins : « Avidius Cassius est, à ce qu’il me semble, avide de l’empire ; et il s’est déjà fait remarquer sous mon aïeul, qui fut votre père. Je vous conseille de faire surveiller ses démarches. Tout ce que nous faisons lui déplaît. Il se ménage de grandes ressources : il tourne en dérision notre goût pour les lettres, et il nous appelle, vous une vieille philosophe, moi un écolier débauché. Voyez quelle mesure vous devez prendre. Je ne hais point Avidius ; mais je doute qu’il convienne à votre sûreté, à celle de vos enfants, de laisser à la tête des armées un homme tel que lui, capable de se faire écouter des soldats, capable de s’en faire aimer. »

II.

Marc-Aurèle répondit : « J’ai lu votre lettre, où vous manifestez des craintes qui ne sauraient convenir à un empereur, à un gouvernement tel que le nôtre. Si les dieux lui destinent l’empire, nous ne pourrions nous en défaire, quand