Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/385

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cette dignité, si la république n’avait pas dû récompenser quelques citoyens des services qu’ils lui avaient rendus. Quant à la révolte de Cassius, je vous prie et vous conjure de mettre des bornes à votre rigueur, de signaler ma clémence ou plutôt la vôtre, de ne prononcer enfin aucune condamnation à mort. Qu’aucun sénateur ne soit puni ; que le sang d’aucun homme de distinction ne soit versé ; que les déportés reviennent ; que ceux dont les biens ont été confisqués les recouvrent. Plût aux dieux que je pusse aussi en rappeler quelques-uns du tombeau ! Rien ne convient moins à un empereur que de venger ses injures personnelles : sa vengeance, fût-elle juste, est toujours taxée de rigueur. Vous accorderez donc le pardon aux fils d’Avidius Cassius, à son gendre et à sa femme. Et que dis-je, le pardon ? Ils ne sont point criminels. Qu’ils vivent avec sécurité, sachant que c’est sous Marc-Aurèle. Qu’ils vivent dans la tranquille possession d’une partie de leur patrimoine, et qu’ils aient tout l’or, tout l’argent, tous les bijoux laissés par Avidius. Qu’ils soient riches, qu’ils soient exempts de toute crainte, qu’ils soient maîtres d’aller où ils voudront ; en un mot qu’ils soient libres, et qu’ils portent, dans tous les pays où il leur plaira de se rendre, des témoignages de ma bonté, des preuves de la vôtre. Après tout, pères conscrits, ce n’est pas un grand effort de clémence que de pardonner aux enfants et aux femmes de ceux que la mort a frappés. Je demande aussi que les complices d’Avidius, qui appartiendraient à l’ordre du sénat ou des chevaliers, soient à l’abri de la mort, de la confiscation, de la crainte, de l’infamie, de la haine, enfin de toute injure. Ménagez cette gloire à mon règne, qu’à l’occasion d’une querelle pour le trône, il n’est mort de rebelles que ceux qui ont péri dans le tumulte de la guerre. »

XIII.

Le sénat répondit à ce bel exemple d’humanité par ces acclamations : « Pieux Antonin, que les dieux vous conservent. Clément empereur, que les dieux vous conservent. Clément empereur, que les dieux vous conservent. Vous n’avez pas voulu ce qui était permis ; nous avons fait ce qui convenait. Nous souhaitons que Commode partage l’empire avec vous : affermissez votre famille ; assurez la tranquillité de vos enfants. Aucune force ne peut ébranler un empire légitime. Nous demandons pour Commode Antonin la puissance tribunitienne. Nous réclamons votre présence ; nous admirons votre philosophie, votre courage, vos lumières, votre générosité, votre vertu. Vous domptez les rebelles ; vous triomphez des ennemis ; les dieux vous protègent, etc. » Les descendants d’Avidius Cassius vécurent donc sans inquiétude, et furent même admis aux dignités de l’État. Mais Commode, après la mort de son père, les condamna tous à être brûlés vifs, comme s’ils eussent été pris dans la révolte.

Tels sont les détails que nous a fournis l’histoire touchant Cassius, dont le caractère, ainsi que nous l’avons dit plus haut, fut toujours très mobile, mais inclinait surtout à la rigueur et à la cruauté. Sur le trône, il n’eût pas montré seulement de la clémence, mais aussi de la bonté, mais aussi les vertus d’un excellent prince. On a de lui une lettre qu’il écrivit, comme empereur, à son gendre, et qui est conçue en ces termes : « Que la république est malheureuse d’être la proie de ces riches, et de tous ceux qui veulent le devenir ! Marc-Aurèle est sans doute homme de bien ; mais, pour faire louer sa clémence, il laisse vivre des hommes dont il condamne