Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chargé, à son retour, du soin d’approvisionner l’Italie.

II.

Il fut alors accusé par un certain Sévère, soldat des plus distingués, d’avoir formé avec Salvius une conjuration contre Commode. Mais ce prince, qui avait déjà fait périr, pour la même cause, un grand nombre de sénateurs et de citoyens aussi illustres que puissants, craignit enfin la haine publique; et, faisant condamner l’accusateur, il mit l’accusé en liberté. Julien, absous, alla reprendre ses fonctions. Il gouverna ensuite la Bithynie ; mais il n’y mérita pas la même réputation que dans ses autres gouvernements. Il fut consul avec Pertinax, et lui succéda dans le proconsulat d’Afrique. Aussi celui-ci l’appelait-il toujours son collègue et son successeur : ce qui fut surtout remarqué le jour où Julien vint lui présenter un de ses parents qu’il avait fiancé à sa fille : « Honorez en lui mon collègue et mon successeur, » dit l’empereur au jeune homme, d’un ton plein de respect. En effet, la mort de Pertinax suivit de près ces paroles. Dès que ce prince eut été tué, et tandis que Sulpitien tâchait de se faire nommer empereur dans le camp des prétoriens, Julien se rendit avec son gendre au sénat, qui avait été convoqué ; mais il en trouva les portes fermées. Les tribuns P. Florianus et Vectius Aper, qu’il rencontra, l’exhortèrent à s’emparer du pouvoir ; et Julien leur ayant répondu qu’on avait déjà choisi un empereur, ils le forcèrent de se rendre avec eux au camp des prétoriens. Lorsqu’ils y furent arrivés, ils entendirent Sulpitien, préfet de Rome et beau-père de Pertinax, haranguer les soldats et réclamer l’empire. Personne ne voulut laisser entrer Julien, qui faisait, du haut des murailles, les plus brillantes promesses. Il avait commencé par exhorter les prétoriens à ne pas choisir pour empereur un homme qui voudrait venger la mort de Pertinax; il écrivit ensuite sur des tablettes qu’il réhabiliterait la mémoire de Commode. Il parvint ainsi à être admis dans le camp, et à se faire nommer empereur. Toutefois les prétoriens exigèrent qu’il ne fit point de mal à Sulpitien, pour avoir aspiré à l’empire.

III.

Julien nomma préfets du prétoire, avec l’agrément des prétoriens, Flavius Génialis et Tullius Crispinus. Il s’avança ensuite au milieu de la foule, avec l’escorte impériale commandée par Maurentius, qui avait appuyé auparavant les prétentions de Sulpitien. Au lieu de vingt-cinq mille sesterces[1] qu’il avait promis aux soldats, il leur en donna trente[2]. Ayant ensuite harangué l’armée, il se rendit vers lesoir au sénat, et se mit entièrement à la disposition de cette assemblée. Un sénatus-consulte lui donna le titre d’empereur, avec la puissance tribunitienne et le pouvoir proconsulaire, auquel il avait droit par son agrégation aux familles patriciennes. Sa femme Mallia Scantilla fut appelée Auguste, ainsi que sa fille Didia Clara. De là il se rendit au palais, où il manda sa femme et sa fille, qui y vinrent à regret et en tremblant, comme si elles eussent pressenti la fin tragique qui les menaçait. Il nomma son gendre Cornélius Répentinus préfet de Rome, à la place de Sulpitien. Cependant le nouvel empereur était haï du peuple, qui, persuadé que Pertinax eût fait servir son autorité

  1. 4,843 fr. 75
  2. 5,812 fr. 50