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ses amis, et elle ne tarda pas à le rendre père.

IV.

Sa sévérité, la pureté de ses mœurs et son intégrité le firent aimer des Gaulois plus que personne. Il gouverna bientôt, comme proconsul, les deux Pannonies. Le proconsulat de Sicile lui échut ensuite en partage, et un second fils lui naquit à Rome. On l’accusa, pendant son séjour en Sicile, d’avoir consulté des devins ou des Chaldéens, pour savoir s’il parviendrait à l’empire; mais Commode ayant déjà commencé à se faire haïr, les préfets du prétoire, nommés pour l’entendre, le renvoyèrent absous, et firent mettre en croix son accusateur. Il exerça son premier consulat avec Apuléius Ruffinus, Commode l’ayant lui-même désigné entre beaucoup d’autres. Après ce consulat, il resta près d’une année oisif à Rome. La protection de Létus lui valut le commandement de l’armée de Germanie. Avant de s’y rendre, il acheta des jardins spacieux, tandis qu’il avait eu jusque-là une fort petite maison à Rome, et un seul fonds de terre. Un jour que, couché sur le gazon dans ces jardins, il prenait un repas modeste avec ses fils, l’aîné, qui n’avait alors que cinq ans, se mit, lorsqu’on eut servi le fruit, à en faire une large distribution à ses camarades : son père lui dit, en le grondant : « Ne sois pas si libéral ; car tu n’as point les richesses d’un roi. — Je les aurai un jour. » répondit l’enfant, Parti enfin pour la Germanie, Sévère y mit le comble à la gloire qu’il s’était déjà acquise.

V.

Il avait commandé jusque-là au nom d’un autre : mais les légions de Germanie, informées du meurtre de Commode et de la haine universelle qui poursuivait Julien sur le trône, élurent Sévère empereur à Carnunte, aux ides d’août, quoiqu’il s’y refusât. Il finit toutefois par céder à leurs instances. Il donna aux soldats ce qu’aucun prince ne leur avait encore donné, cinquante mille sesterces[1]. Après s’être assuré des provinces qu’il laissait derrière lui, il s’avança vers Rome. Tout ce qu’il rencontra sur sa route se soumit à lui. Les chefs des armées de l’Illyrie et des Gaules les avaient déjà forcées à le reconnaître. Il était reçu partout comme le vengeur de Pertinax. Cependant Julien le fit déclarer ennemi par le sénat, qui envoya même à son armée des députés chargés de donner aux soldats l’ordre formel d’abandonner sa cause. Sévère, en apprenant que ces députés venaient exécuter l’expresse volonté du sénat, éprouva d’abord quelque crainte; mais il prit ensuite le parti de les corrompre. Ils parlèrent À l’armée en sa faveur, et se rangèrent sous ses drapeaux. A cette nouvelle, Julien fit faire un sénatus-consulte, qui partageait l’empire entre Sévère et lui. On ignore s’il agit ainsi par ruse ou de bonne foi ; car il avait déjà fait partir, pour tuer Sévère, des émissaires connus par le meurtre de quelques généraux. Il en avait aussi envoyé pour assassiner Pescennius Niger, qui, de son côté, avait pris l’empire contre lui, à la demande des armées de Syrie. Mais Sévère sut échapper aux coups de ces assassins : il écrivit aux prétoriens, et donna le signal d’abandonner ou de tuer Julien. Il fut aussitôt obéi : Julien fut massacré dans le palais, et Sévère invité à venir à Rome.

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