Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/412

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Ainsi, ce que l’on n’avait jamais vu jusque-là, Sévère n’eut qu’à vouloir pour vaincre, et il marcha sur Rome avec ses troupes.

VI.

Quoique Julien fût mort, Sévère, comme s’il eût été en pays ennemi, continua de s’avancer à la tête de son armée. Le sénat lui envoya en députation cent sénateurs, pour le féliciter et le prier d’accepter l’empire. Ils le trouvèrent à Intéramne[1], et, avant de les admettre à le saluer, il s’assura, en les faisant fouiller, s’ils avaient des armes; lui-même les reçut armé et entouré de soldats. Le lendemain, il vit accourir tous ceux qui faisaient partie de la cour, et il donna aux députés quatre-vingt-dix pièces d’or; puis il les congédia, laissant à ceux qui le voudraient la faculté de rester auprès de sa personne, et de retourner avec lui à Rome. Il donna aussitôt la préfecture du prétoire à Flavius Juvénal, que Julien avait aussi nommé son troisième préfet, Cependant de vives inquiétudes s’étaient répandues à Rome parmi les citoyens et les soldats, fondées sur ce que Sévère s’avançait, les armes à la main, contre ceux qui l’avaient déclaré ennemi. De son côté, Sévère fut informé que les légions de Syrie avaient donné le titre d’empereur à Pescennius Niger. A l’aide de ses émissaires, il intercepta les lettres et les édits que celui-ci adressait aux citoyens et aux sénateurs, et il empêcha ainsi d’en faire la proposition devant le peuple, ou la lecture dans le sénat. Il pensa en même temps à se substituer Clodius Albin, à qui un décret de Commode semblait assurer la qualité de César et l’empire. Mais comme il appréhendait ceux même dont il jugeait avantageusement, il envoya Héraclite s’emparer des Bretagnes, et Plautien se saisir des enfants de Niger. Arrivé aux portes de Rome, Sévère ordonna aux prétoriens de se rendre auprès de lui en simple tunique et sans armes. Il les fit aussi paraître devant son tribunal, autour duquel étaient rangés des soldats.

VII.

Il entra ensuite armé dans Rome, au milieu de ses troupes, et il monta au Capitole. Delà, fl se rendit, avec le même appareil, au palais des Césars, faisant porter devant lui, non pas droites mais renversées, les enseignes qu’il avait ôtées aux prétoriens. Les soldats se répandirent alors par toute la ville, et s’établirent dans les temples, sous les portiques, dans la demeure impériale, comme dans autant d’hôtelleries. L’entrée de Sévère dans Rome eut quelque chose d’odieux et de terrible

les soldats prenaient tout sans rien payer, et n’avaient à la bouche

que des menaces de destruction. Le lendemain, Sévère vint au sénat, escorté non-seulement de ses soldats, mais aussi de ses amis armés. Il y rendit compte des motifs qui lui avaient fait prendre l’empire, et il allégua que Julien avait envoyé, pour le tuer, des hommes bien connus par le meurtre de plusieurs généraux. Il obtint, en mème temps, un sénatus-consulte qui défendait à l’empereur de faire mourir un membre du sénat, sans en avoir délibéré avec ce corps. Tandis qu’il était au sénat, les soldats mutinés exigèrent de cette assemblée dix mille sesterces[2], à l’exemple de ceux qui avaient autrefois conduit Octave Auguste à Rome, et à qui l’on avait donné la même somme. Sévère voulut les réprimer, et il ne put y parvenir qu’en leur accordant une gratification. Il fit de magnifiques obsèques à l’image de Pertinax, le mit au rang des dieux, lui donna un flamine et

  1. Terni, dans l’Ombrie.
  2. 1,936 fr. 50.