Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/174

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a été son courage. Il n’a rien avoué de son état qu’un mois plus tard, quand il a pu parler de sa blessure, comme d’un accident fâcheux, sans importance. Pourtant, il souffre par tout le corps : l’atrophie musculaire, les crises de sciatique tourmentent dans ses membres blessés ce jeune homme d’une énergie que le repos excède, d’une force nerveuse que l’inaction met à bout. Mais sa bravoure est invincible : quand le bon médecin de la maison de France lui refuse le baume de la morphine, il se résigne. Il se domine toujours. Il a vu la mort de bien près ; il n’y a pas cru ; il garde à la vie une foi merveilleuse, aussi bonne que lui, infiniment meilleure qu’elle. Menacé de périr enfin, ce n’est pas à lui qu’il pense, mais à ce frère qui l’attend, qui n’a su le danger qu’au moment où il n’était plus à