Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/42

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— Ils m’aiment ? Ils me seront donc pris ?… La tendresse qui demeure ne peut combler la place vide : là où est la plaie, là était le cœur. Il y a place en moi pour plus d’un amour ; mais il y a un seul abîme : bien des soleils, bien des jours sur un seul océan de vide. Une fois déjà la mort m’y a plongé : la mort, mon éternelle ennemie. Mais je t’avais, alors ; et même tu étais à l’image de l’amour où je pensais ne pas devoir survivre. Tu l’étais, mon Bien Aimé, et comme le matin d’un jour éclatant ressemble au couchant rouge. Ainsi, tu m’as fait durer. Que ferais-je maintenant ? Tu m’as quitté, ô mon jour d’or, tu m’as quitté avant l’heure même de midi. Et je vivrais ? — Je ne parlerai pas de toi au passé. Jamais la journée commencée ne se recommence. Avec la tienne éteinte, je n’ai plus qu’à