Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ferme, qui sonne sur la terre dure, l’avenue qui mène à la maison. J’entendais son pas ; parfois, insomnieux, j’allais à sa rencontre, et je le voyais venir, ombre haute dans la nuit blanche, faisant de la buée, souffle vivant, chaude merveille qui respire. Je lui disais : « Il fait froid. » — « Il fait bon », répondait-il toujours. « Voilà un temps où l’on se sent vivre. »

Je sors, ce soir, dans le silence de la lune resplendissante au ciel, et de la neige sur la terre, miroir l’une de l’autre. Que tout est vaste : un océan de clarté glaciale, où dorment des îlots d’ombre. Je découvre l’étendue de la nuit ; je ne le puis, de ma peine. Je suis avec elle, ici, où je suis sans Lui. Libre enfin de m’espacer sans contrainte dans mon éclatante misère. Je la contemple seul à seule ; je n’ai plus à me cacher de mes