Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/64

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Le flot monte ; le flot descend ; et monte encore, et redescend. C’est la plainte de l’adieu qui roule, l’éternelle marée du solstice irrévocable, où l’astre de la peine fait station pour toujours. Plus jamais ! Jamais plus ! La libration de la lune autour de son axe n’est pas plus fatale que le balancement d’une vie suspendue à un tel regret. Ils sont dans le même berceau, ceux qui ne sont plus et ceux que berce l’éternel : Plus jamais ! Jamais plus !

La nuit, le fiévreux, qui se tourne et se retourne sur son lit, aspire de toutes ses forces au bienfait de l’aube : il ne se rappelle plus les souffrances du jour. Ainsi nous regrettons la vie pour ceux qui ne l’ont plus ; aussi sombre soit-elle pour nous, pour eux nous rêvons qu’elle eût été lumineuse : c’est qu’ils étaient notre lumière. Dans ma pitié, dans ma cruauté