Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/65

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peut-être, le désir de celui que le berceau du temps tantôt approche de mon cœur et tantôt en éloigne, fait maintenant que je regrette de ne l’avoir pas eu malade. Blessé, meurtri et même mutilé, je l’aurais pourtant défendu, et j’aurais lutté pour lui. J’aurais baisé sa main, que je n’ai jamais pressée des lèvres. J’aurais eu pour lui la douceur que mérite et que goûte seule une fière, une immense amertume. Le rythme de notre vie eût été : « Tu es là », et : « J’y suis. » Je n’aurais pas vécu, du moins, sur les bords désespérés que hantent la plainte de la vague, et le murmure éternel : « Plus jamais ! Jamais plus ! »