Page:Suarès - Tolstoï.djvu/37

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toute rationnelle. Il a la vérité ; il l’a trouvée ; et la prouve aux hommes, dont le cœur est assez pur pour ne pas corrompre le présent limpide qui leur est fait du vrai par la raison.

C’est la raison qui persuade la raison, et, l’armant de la vérité, la convainc de gagner le cœur. Il suit de là que l’orgueil est la force que la raison met dans ses preuves, et dont elle poursuit le contraire de la vérité, soit par le sarcasme, soit par le dédain. Il n’y a, pour ainsi dire, dans cet orgueil, rien de l’homme ni du caractère : il est tout de l’esprit.

La vérité est, de soi, aussi violemment orgueilleuse vis-à-vis de l’erreur, qu’elle est humble avec elle-même — car il n’importe rien autre à la vérité que d’être vraie. Considérez que tout l’orgueil est dans ce que nous mettons de notre personne en nos actes et nos paroles. Mais, pour orgueilleux qu’ils fussent dans le fond de leur cœur, Descartes ni Spinoza n’ont point d’orgueil dans leurs théorèmes. On ne peut reprendre Spinoza sur son orgueil qu’en n’écoutant point ce qu’il dit, et qu’en donnant toute son attention à sa manière de le dire.