Page:Suarès - Tolstoï.djvu/38

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Tolstoï est un homme de ce temps-là, — et je veux dire d’il y a vingt siècles. Comme Descartes, il me fait l’effet d’un ancien. Leur orgueil, comme tout le reste, tient au pouvoir capital qu’ils accordent à la raison. Dès lors qu’ils croient tenir la vérité, ils en accablent le mensonge et l’erreur : et c’est bien fait. La vérité sera toujours plus dure et plus résolue, plus ferme en son propos contre l’erreur, que le bien et la vertu contre le vice et le crime même. Rien n’est terrible pour l’erreur, comme la vérité démontrée : elle ne la condamne pas seulement, — elle l’anéantit. De la sorte, Tolstoï, assuré d’être vrai, saisit les erreurs et les réduit à néant. Il ne distingue point entre celles du jugement et celles de la conduite.

Je ne controverse point contre Tolstoï ; je le montre. Si son Évangile est le vrai, il ruine justement les mœurs et les œuvres, qui y sont opposés en principe. Il ne lui faut qu’un mot de paysan, pour priver Wagner de ses droits sur le cœur des hommes, et les convaincre de fuir les charmes de cette sirène. Quand Tolstoï dit d’une œuvre « qu’il ne la comprend pas », — il la condamne à disparaître ; il ne lui en faut pas