Page:Suarès - Tolstoï.djvu/70

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Je ne sache pas que Tolstoï ait, nulle part, parlé de Jésus. La vérité de l’Évangile lui cache toujours Celui qui l’a dite. Il ne le nomme qu’en compagnie des autres législateurs sacrés. Qu’il soit un Dieu, qu’il soit un homme, on ne l’aperçoit jamais. Sage parfait, il enferme des vérités parfaites en quelques paroles. — « Qu’enseigne-t-il ? — Qu’a-t-il pour nous ? » — Voilà ce que l’Orient demande d’un prophète. Le Russe n’adore qu’en esprit : quel qu’il soit, un homme ne compte que pour un homme ; ce peuple se soumet volontiers à une foi ; il ne semble pas se soucier de celui qui la lui donne. Il est rebelle au Moi.

Ainsi, Jésus est absent de l’œuvre de Tolstoï, ce grand chrétien. Quoi de plus inattendu ? — Pour les hommes de l’Occident, ce paradoxe est presque incompréhensible. Ils seraient tentés de s’en plaindre. En France, en Italie, en Angleterre, Jésus a toujours été le grand vainqueur des âmes chrétiennes, et tout leur amour. Les plus saintes n’auraient pas été chrétiennes sans lui. La présence