Page:Suarès - Tolstoï.djvu/84

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vie est à ce prix. Jésus-Christ n’est pas sans pardon ; mais il est sans mollesse pour les pécheurs endurcis. Les marchands du Temple l’ont dû juger violent et égoïste. La force est à toutes fins. C’est pourquoi elle peut avoir de mauvaises apparences. Mais ce qui en est l’âme, et qui l’est du moi puissant, est la source de tout bien.

Cette force, enfin, reste obscure en son dessein à la plupart des hommes. Ils la calomnient, parce qu’ils la craignent. Ils en sentent seulement la présence ; et, tant qu’ils ne sont pas sûrs qu’elle ne tend pas uniquement à leur nuire, ils la détestent, parce qu’ils l’en soupçonnent. Un grand moi passe aisément pour haïssable auprès de tous les moindres. S’il l’est, c’est en ce qu’il n’est pas grand. Encore préfèrent-ils se voir contraints d’y céder, à pressentir qu’ils devront le suivre. Il les humilie ; mais l’humiliation imposée à tous n’est plus si dure, et à la fin c’est une gloire subie.

Qu’ils s’en fient pourtant à ce moi qui les domine, même s’il en a l’orgueil, de n’aimer pas sa domination. Ni surtout le fond caché qui l’a pu faire. Une tristesse invincible y est liée, comme Andromède au rocher battu de la vague. Il le sait