Page:Suarès - Tolstoï.djvu/85

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bien, ce moi, et qu’il ne cesse de se haïr, que s’il se donne tout à ce qu’il aime, en parût-il le tyran.

Pendant longtemps il est à charge à tout le monde, et plus encore à lui-même, ou il le reste. C’est tant qu’il ne sait où s’exercer. Alors, il a beaucoup du commun égoïsme, du moins par le dehors. Il est brusque, irascible, mécontent de tous, d’apparence jalouse et querelleuse, dur et prompt à abaisser autrui, abondant en caprices, et, en fin de compte, avec un violent désir de s’imposer aux autres, réduit à les fuir sans trêve, pour ne trouver du reste aucun contentement en soi-même. Tolstoï a paru pendant trente ans un homme insociable, tour à tour misanthrope et enthousiaste ; un esprit bizarre, tantôt hanté de chimères morales, et tantôt réaliste, rigoureux et pratique, presque insensible de parti pris ; comme un gentilhomme campagnard d’Angleterre, épris de jeux violents et d’économie rurale. Il aimait les courses et la chasse, les chevaux et les combats de coqs ; il était plus chaste par timidité que par froideur naturelle. Toutefois, comme quelques hommes le sont, passionnés d’amour jusques à la volupté