Page:Suarès - Tolstoï.djvu/86

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charnelle, la femme avilie et la caresse vénale les dégoûtent trop pour les laisser sensibles au plaisir même qu’ils y prennent. La pitié de leur mère les prend dans la souillure de cette chair souillée ; et la femme, qui sommeille enchaînée dans le cœur triste de chaque homme, se fait alors connaître, comme une mère, par ses larmes. La pitié et la chasteté se tiennent par la main, divines et douces prisonnières, retenues aux murailles de la caverne ; et leur parenté est un grand mystère. — Enfin, ce n’est pas seulement parce qu’il y réussissait peu que Tolstoï n’aimait pas le monde : c’est qu’une viande aussi creuse ne pouvait satisfaire la faim sauvage de cet esprit. Puis, nul homme, au milieu même de la débauche de la vie, n’était plus prompt que lui à la pudeur[1]. Enfin il se jetait parfois, tête baissée, au fond du dégoût, pour l’oublier. La honte de vivre a son ivresse.



Quelques-uns disent qu’il est resté cet homme-

  1. Bésoukhow, Nékhlioudow, Lévine ne peuvent s’empêcher de rougir à tout propos ; cette rougeur fait leur supplice. Image de leur disparité avec le monde : ils sont hors de lieu, et le sentent. On rougit, on pâlit, ou l’on se tait, selon les tempéraments.