Page:Suarès Péguy.djvu/36

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le rire joyeux. Un jour, j’ai vu les yeux de Péguy sur ses enfants, avec quelle pensive tendresse. Leur colère était triste, moins de rudesse que de dégoût. C’étaient les yeux du serviteur fidèle ; ils avaient l’amitié des yeux parfaits des chiens. Telle était la bonté de ces yeux et la foi, que Péguy regardait rarement les gens tout droit, dans la face : il se fût trop livré. Il n’aurait plus été libre ni de vouloir ni de dire non. Or, il était très capable d’un jugement, d’un châtiment et d’un refus. S’il avait fait exécuter un coupable, il ne l’eût regardé en pleins yeux qu’au moment de la mort, pour lui pardonner d’ailleurs plus que pour lui demander pardon. De la sorte, il a paru fuyant à ceux qui ne l’aimaient pas.