Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/11

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homme sans intelligence ou sans dehors soit défiant de lui, rien de plus naturel.

Qu’au contraire, un homme réunissant par hasard — les dons de l’esprit, de la nature et de la fortune — plaise, séduise, mais qu’il ne croie pas au charme qu’il inspire ; et cela, parce qu’ayant la conscience de sa misère et de son égoïsme, et que, jugeant les autres d’après lui, il se défie de tous, parce qu’il doute de son propre cœur ; que, doué pourtant de penchants généreux et élevés, auxquels il se laisse parfois entraîner, bientôt il les refoule impitoyablement en lui, de crainte d’en être dupe, parce qu’il juge ainsi le monde ; qu’il les croit sinon ridicules, du moins funestes à celui qui s’y livre ; — ces contrastes ne semblent-ils pas un curieux sujet d’étude ? Qu’on joigne enfin à ces deux bases primordiales du caractère — des instincts charmants de tendresse, de confiance, d’amour et de dévouement, sans cesse contrariés par une défiance incurable, ou flétris dans leur germe par une connaissance fatale et précoce des plaies morales de l’espèce humaine : — un esprit souvent accablé, inquiet, chagrin, analytique, mais d’autres fois vif, ironique et brillant ; — une fierté, ou plutôt une susceptibilité à la fois si irritable, si ombrageuse et si délicate, qu’elle s’exalte jusqu’à une froide et implacable méchanceté si elle se croit blessée, ou qu’elle s’éplore en regrets touchants et désespérés lorsqu’elle a reconnu l’injustice de ses soupçons ; — et on aura les principaux traits de cette organisation.