Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/145

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j’étais pour cela trop jeune, trop confiant dans mon incrédulité… et je me rappelle parfaitement que ce qui me causait l’angoisse la plus cuisante, même avant le dépit de me croire dupe, était le regret désespérant de n’avoir pu inspirer à Hélène un amour véritable.

Enfin, j’arrivai dans le pavillon. Lorsque j’y entrai, Hélène m’attendait, assise près de la porte ; elle était enveloppée dans un manteau noir et tremblait de froid. Quand elle me vit, elle se leva, et s’écria avec un indicible accent de douleur en me tendant les mains : « Enfin, vous voilà ! Ah ! que nous avons souffert depuis deux jours ! »

Puis, sans doute frappée de l’expression dure et sèche de mes traits, elle ajouta : « Mon Dieu ! qu’avez-vous, Arthur ? vous m’effrayez ! »

Alors, avec cette cruauté sotte et railleuse qui est le fait des enfants ou des gens heureux et égoïstes qui n’ont jamais souffert, prenant un air insouciant et léger, et lui baisant la main, je répondis : « Comment, je vous effraie ! Ce n’est pourtant pas là l’impression que je comptais vous faire éprouver dans un aussi charmant rendez-vous ! »

L’air ironique avec lequel je prononçai ces mots était si éloigné de mes façons habituelles