Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/153

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plicité si naïve, et sans doute si vraie, je ne l’avais pas quittée du regard ; au lieu d’être tendrement ému, je l’observais avec la méchante et attentive défiance d’un juge hostile et prévenu ; pourtant, quand elle soulevait ses beaux jeux doux et limpides sous leurs longues paupières, elle les attachait sur les miens avec une assurance si candide et si sereine, qu’il me fallait être aussi aveuglé que je l’étais, pour n’y pas lire l’amour le plus noble et le plus profond.

Mais, hélas ! quand on est possédé par un doute, opiniâtre, tout ce qui tend à le détruire dans votre esprit vous irrite, comme dicté par la perfidie et la fausseté ; vous persistez d’autant plus dans votre conviction, que vous vous croiriez dupe en l’abandonnant : les plus incurables vérités vous semblent alors d’adroits mensonges, et les plus nobles et plus soudaines inspirations autant de pièges froidement tendus. J’agis ainsi, et continuai le triste rôle que je m’étais imposé.

— Cela est parfaitement et très-adroitement calculé, — répondis-je ; — les causes et les effets s’enchaînent et se déduisent à merveille… la fable est même fort vraisemblable… et un plus sot s’y laisserait prendre.