Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/234

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si énervé par la satiété des plaisirs, son front pâle et son visage décoloré, malgré la jeunesse et l’harmonieux contour de ses formes, révélait une indifférence, un chagrin ou un ennui si profond, que je ne savais en vérité s’il ne fallait pas la plaindre.

C’était vers la fin du deuxième acte de Guillaume Tell, — au moment du magnifique trio des trois Suisses ; jamais ce morceau, d’une puissance si magique, n’avait peut-être été exécuté avec plus d’ensemble, et ne causa plus d’enivrement ; la jeune fille, assise à côté de madame de Pënâfiel, la tête avidement penchée vers la scène, semblait en extase, puis son front, jusque-là baissé, se redressa tout à coup fier et résolu, comme si cette âme douce et timide eut éprouvé involontairement la réaction entraînante de cet air d’une bravoure si sublime.

Je ne sais si madame de Pënâfiel fut jalouse de l’émotion profonde que ressentait sa compagne, mais comme celle-ci avait paru répondre à peine à une de ses questions, madame de Pënâfiel sembla lui dire quelques mots, sans doute si durs, que je crus voir briller quelques larmes dans les grands jeux de la jeune fille, dont la figure s’obscurcit tout à coup ; puis