Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/244

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ment attristé. — Je connaissais le monde ; mais cet amas de faussetés, de sottises, de médisances, ce dénigrement acharné contre une femme qui d’ailleurs semblait l’autoriser par deux ou trois actions que je ne pouvais m’expliquer et qui décelaient du moins une inconcevable légèreté de conduite, ces hommes qui en disaient mille méchancetés odieuses et allaient à l’instant même se confondre auprès d’elle en hommages serviles, tout cela, en un mot, pour être d’une turpitude vieille comme l’humanité, n’en était pas moins misérable et repoussant.

Pourtant, par une contradiction étrange, malgré moi je m’intéressais à madame de Pënâfiel, par cela même qu’elle était dans une position beaucoup trop élevée pour que tous ces bruits odieux arrivassent jusqu’à elle. Car ce qu’il y a d’affreux dans les calomnies du monde, qui s’exercent sur les gens dont la grande existence commande le respect ou plutôt une basse flatterie, c’est qu’ils vivent au milieu des médisances les plus haineuses, c’est que l’air qu’ils respirent en est imprégné, saturé, et qu’ils ne s’en doutent pas.

Ainsi ce soir-là il était impossible, envoyant les sourires gracieux des femmes, les salutations empressées des hommes qui accueillaient ma-