Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/260

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perdriez-vous ? qu’y perdrais-je ? Vous n’avez pas plus besoin de moi que je n’ai besoin de vous : et en disant vous et moi, je personnifie, je généralise, quant à moi du moins, ces banales affections du monde auxquelles on donne le nom d’amitié.

— Je vous accorde qu’on puisse se passer de ces relations-là, ou plutôt qu’elles soient si faciles à rencontrer que, sûr de les trouver toujours, on ne s’inquiète guère de les chercher, — me dit M. de Cernay ; — mais l’amitié vraie, profonde, dévouée ?

— Nisus et Euriale, Castor et Pollux ? — lui dis-je.

— Oui ; direz-vous encore : Pourquoi faire, à propos de ces amitiés-là, si vous étiez assez heureux pour les rencontrer ?

— Je dirais certainement : Pourquoi faire ? toujours quant à moi… Car si je trouvais un Nisus, je ne me sens véritablement pas la force généreuse d’être Euriale, et je suis trop honnête homme pour accepter ce que je ne puis pas rendre. Enfin cette amitié si vive, si profonde que vous dites, alors même que je la trouverais, me serait fort inutile et même très-pesante au moment du bonheur, car je hais les confidences heureuses ; elle ne pourrait donc