Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par leurs longues fenêtres à petits carreaux ; nos gens portaient le deuil de ma mère, que j’avais perdue pendant mon voyage ; presque tous étaient de vieux domestiques de la maison, et rien de plus lugubre que de les voir vêtus de noir, marchant silencieusement dans ces pièces sombres et immenses, se détacher à peine de leur fond rouge ou vert foncé, couleur de toutes les tentures de cette antique habitation.

En descendant de voiture, je fus reçu par le valet de chambre de mon père ; il ne me dit pas un mot, mais ses yeux étaient baignés de larmes. Je le suivis ; je traversai une longue galerie, la terreur de mes nuits d’enfance, comme elle en était la joie durant le jour. Je trouvai mon père dans son cabinet : il voulut se lever pour m’embrasser ; mais, ses forces lui manquant, il ne put que me tendre les bras.

Il me parut affreusement changé : je l’avais quitté encore alerte et vigoureux ; je le trouvai faible et abattu : sa grande taille s’était voûtée, son embonpoint avait disparu ; il était pâle, détail, et une sorte de sourire convulsif et nerveux, causé par la continuité de ses douleurs, donnait à sa physionomie haute et sévère une indicible expression de souffrance habituelle.