Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/91

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était ce qui le faisait le plus souffrir ; les larmes me viennent encore aux yeux quand je me rappelle l’accent calme et résigné avec lequel il me disait : Je ne dors pas, je n’ai besoin de rien… allez vous reposer, mon enfant… »

J’ai quelquefois frissonné en songeant que, pendant plus de sept mois, mon père n’a pas dormi une minute ! Chaque jour et chaque nuit il pensait à sa fin prochaine, qu’il voyait et sentait lentement venir. J’ai dit que son instruction était véritablement encyclopédique ; aussi, sans avoir des connaissances pratiques en médecine, il en avait malheureusement d’assez grandes pour connaître et juger sûrement de son état…

Huit mois avant de mourir, il stupéfia ses médecins par l’assurance raisonnée avec laquelle il leur développa les conséquences inévitablement mortelles de sa maladie, et le temps probable qu’il avait encore à vivre ! Et pourtant, avec cette conviction terrible que chaque jour l’approchait de sa tombe, jamais un moment de faiblesse ou de regret apparent ! jamais une plainte ! jamais un mot qui fit allusion à ce sort fatal ! Du silence, toujours du silence ! et sa vie de chaque jour, jusqu’à celui de sa mort, fut celle que j’ai retracée.