Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/11

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la faiblesse, la plaie, l’endroit infailliblement vulnérable de notre nature.

Si l’envie, l’orgueil, la cupidité, prédominent en vous, vous devez surtout vous attacher à paraître, et souvent vous paraissez, sans feindre beaucoup, modeste, bienveillant et désintéressé. De même aussi qu’on voit souvent des gens d’une âme compatissante et généreuse enfouir ce trésor de commisération et de bonté sous une écorce rude et sauvage ; car on dirait que l’éducation vous donne l’instinct de dissimuler vos vices ou vos vertus, ainsi que la nature donne à certains animaux les moyens de se protéger contre leur propre faiblesse.

Je m’étais donc montré aux yeux du comte d’un égoïsme outré et d’une insensibilité cynique, parce que je sentais encore en moi d’invincibles penchants à tous les sentiments généreux  ! Mais, hélas ! ce n’étaient plus que des penchants ! Les terribles enseignements de mon père, en m’apprenant à douter, avaient aussi développé en moi jusqu’à sa plus farouche exaltation une impitoyable susceptibilité d’orgueil ! En un mot, ce que je redoutais le plus au monde était d’être pris pour dupe si je me livrais aux élans involontaires de mon âme, d’abord expansive et franche.