Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/137

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avaient osé étourdir mes chagrins… je pleurais sur ma lâcheté… et mes jours se passaient dans ces contradictions aussi terribles qu’inexplicables… Ce n’est pas tout, je n’ignorais pas que ma douleur était affreusement calomniée, et je ne pouvais pas, et je ne voulais pas me justifier… Oh ! si vous saviez encore combien cela est cruel de n’avoir pour se défendre qu’une vérité… mais si sainte, mais si vénérée, qu’on n’ose la profaner en la disant à des indifférents ou à des incrédules !!

Marguerite pleura encore, et continua après un silence : — Maintenant vous comprendrez, n’est-ce pas, mon mépris de tout et de tous ? Aigrie par le chagrin, mon humeur devint ombrageuse et fantasque ; personne n’en pouvant deviner la cause, je passai pour bizarre… Les gens qui m’entouraient me semblaient vulgaires, comparés à celui dont le souvenir sera toujours sacré pour moi ; je passai pour dédaigneuse ou dissimulée. Enfin, cette coquetterie sans but apparent qu’on me reprochait, ou plutôt à laquelle on donnait les motifs les plus scandaleux, eh bien ! c’était encore un hommage à son souvenir. Je me parais ainsi, parce qu’il avait aimé à me voir ainsi parée ; cet entourage, ces fleurs, ce demi-jour sous lequel il