Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/14

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je fuyais, je maudissais Byron, dont le stérile et désolant scepticisme ne laisse aux lèvres que fiel et amertume…

Je comprenais si bien toutes les misères, toutes les afflictions, que je poussais souvent la délicatesse et la crainte de blesser les gens malheureux ou d’une condition inférieure jusqu’à des scrupules presque ridicules ; j’éprouvais sans raison des attendrissements involontaires et puérils ; je sentais parfois un immense besoin d’aimer, de me dévouer : mon premier mouvement était toujours naïf, sincère et bon ; mais la réflexion venait tout flétrir. C’était enfin une lutte perpétuelle entre mon cœur qui me disait : Crois, — aime, — espère… et mon esprit qui me disait : doute, — méprise — et crains !!

Aussi, en observant et ressentant le choc douloureux de ces deux impressions si diverses, il me semblait que j’éprouvais avec le cœur de ma mère et que j’analysais avec l’esprit de mon père ; — mais, comme toujours, l’esprit devait l’emporter sur le cœur.

Et puis j’avais encore une terrible faculté de comparaison de moi aux autres, à l’aide de laquelle je trouvais mille raisons évidentes pour que les autres ne m’aimassent pas, et