Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/15

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conséquemment pour me défier de chacun.

Ainsi ma mère m’avait adoré, et j’avais oublié ma mère ! ou du moins j’y songeais seulement lors de mes ennuis désespérés ! Mais, si un éclair de joie, de vanité satisfaite, venait m’éblouir, ces pieuses pensées, un moment évoquées, retombaient aussitôt dans l’ombre du tombeau maternel.

Je devais tout à mon père, et je ne pensais plus à lui que pour maudire la précoce et fatale expérience qu’il m’avait donnée. — Hélène m’avait aimé du plus chaste et du plus véritable amour, et j’avais répondu à cette belle âme en l’outrageant par la méfiance la plus odieuse ! Ainsi de ma part toujours ingratitude, soupçon et oubli ; de quel droit aurais-je donc voulu chez les autres amour et dévouement ?

En vain, me disais-je : Mon père, ma mère, Hélène, m’ont aimé tel que j’étais. Mais mon père était mon père, ma mère était ma mère, Hélène était Hélène. (Car je rangeais avec raison l’amour d’Hélène pour moi parmi les sentiments innés, naturels, presque de famille.) Et pourtant, me disais-je, l’aversion que je lui ai inspirée a été telle, que cet amour d’enfance, si profondément enraciné dans son cœur, est mort en un jour !