Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/187

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dais, tout étonné, tout stupéfait, — dit Marguerite.

Je n’éprouvais ni étonnement, ni stupéfaction, mais un sentiment bien autre.

Soit par suite de la disposition chagrine de mon esprit irrité ou de ma défiance naturelle, ces projets de retraite venaient de rappeler tout à coup à ma mémoire un des mille bruits odieux qui avaient couru sur madame de Pënâfiel, et entre autres les mystérieuses aventures qu’on prétendait s’être passées dans une petite maison ignorée qu’elle possédait. Depuis, Marguerite m’avait toujours nié ce fait comme tant d’autres calomnies absurdes, qui, ne pouvant s’attaquer à aucune évidence, étaient réduites à supposer mille incidents secrets. — Aussi, étourdi par le bonheur idéal que je goûtais depuis deux mois, ou plutôt pendant cet accès de raison et de félicité, j’avais eu l’esprit de ne pas songer un moment au passé. Près de cette femme charmante, j’avais aveuglément cru ce qu’il est toujours si commode, et si bon, et si sage, de croire, que j’étais uniquement aimé, j’avais aveuglément cru à la noble explication qu’elle m’avait donnée de sa conduite ; j’avais enfin oublié les lâches et misérables défiances qui déjà m’avaient rendu si cruellement injuste