Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/207

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Je l’avoue, quand ces idées venaient m’assaillir, si je rencontrais sur mon chemin, par ces nuits orageuses, quelque femme portant un enfant déjà flétri par la misère, ou un vieux mendiant tremblant et décharné, je leur faisais une riche aumône, et, quoique le vice eut sans doute plus de part à leur détresse que la destinée, j’éprouvais un moment de bien-être en voyant avec quelle stupéfaction ils touchaient une pièce d’or.

Et puis alors se déroulait à ma vue l’effroyable tableau de la misère ! non pas de la misère isolée de l’homme qui, bâtissant une hutte de feuilles ou se blottissant dans le creux d’un rocher, pourrait au moins respirer un air vif et pur, et avoir pour consolation le soleil et la solitude ; mais cette misère sordide et bruyante des grandes villes, qui se rassemble ou se presse dans d’infects réduits pour avoir chaud.

J’avais alors des terreurs insurmontables, en me supposant obligé par je ne sais quelle fatalité de vivre de la même vie, pêle-mêle avec ces malheureux que la pauvreté déprave autant que le crime.

Je pâlissais d’effroi : car la condition la plus laborieuse, mais exercée dans la solitude et au grand air, ne m’aurait jamais épouvanté ; mais