Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/208

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quand je songeais encore à cette existence forcément rapprochée, à ce contact hideux et continu des gens des prisons et des bagnes, par exemple ! il me prenait quelquefois des frayeurs si folles, que je ne pourrais dire avec quelle dilatation, avec quel bonheur je retrouvais, en rentrant, ma maison bien éclairée, mes gens attentifs, mes livres, mes tableaux, mes portraits, tout cet intérieur paisible et confortable enfin où je me précipitais comme dans un lieu de refuge.

Oh ! c’est alors qu’à genoux, à deux genoux je remerciais mon père de la fortune que je lui devais ! Triste reconnaissance que celle-là ! qui avait besoin d’une frayeur sordide pour me monter au cœur et ranimer un instant ces souvenirs déjà si lointains et si oubliés !

Mais je reviens à ma promenade nocturne.

Un soir, tout en suivant les rues presque machinalement, j’arrivai sur le boulevard de la Bastille. La lune jetait une lueur indécise à travers les nuages rapides qui obscurcissaient son disque, car il ventait beaucoup, et une pluie fine et serrée tombait avec abondance. Il pouvait être environ neuf heures.

Parmi quelques maisons isolées, situées près