Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/218

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prends pas ? Es-tu bien Egmont ? le comte d’Egmont ? ce grand d’Egmont qui fait tant de bruit, dont on parle dans les gazettes, dont les provinces attendent leur bonheur ?

egmont. — « Non, Claire, je ne suis pas cet Egmont-là.

claire. — « Comment ?

egmont. — « Écoute, mon amie ; que je m’asseoie. (Il s’assied, Claire se met à genoux devant lui sur un tabouret, appuie ses deux coudes sur les genoux d’Egmont et tient ses yeux attachés sur les siens.) L’Egmont dont tu parles est un Egmont chagrin, solennel, froid, contraint de s’observer sans cesse, de prendre tantôt un masque, tantôt un autre ; il est persécuté, méconnu, ennuyé, pendant que le monde le tient pour gai, libre et joyeux ; il est aimé d’un peuple qui ne sait ce qu’il veut ; entouré d’amis auxquels il ne peut se confier ; observé par des hommes qui ont à cœur de le pénétrer et de s’emparer de lui ; travaillant et se fatiguant souvent sans but, presque toujours sans fruit. Oh ! fais-moi grâce de l’énumération de tout ce que cet Egmont-là pense et éprouve !.., Mais cet Egmont que voici, Claire, il est sincère, heureux, tranquille ; il est aimé et connu du cœur