Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/233

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son ouvrage avec cette fugitive et inexplicable confiance de l’artiste, qui le ravit parfois d’un noble orgueil. Révélation rapide et éphémère, qui, dit-on, ne dure qu’un instant, mais qui, dans ce moment, lui montre son œuvre resplendissante de beautés de toutes sortes : puis, phénomène étrange, cette lueur divine une fois disparue, ce cri de conscience du génie une fois éteint, l’artiste en garde à peine le souvenir. Cela n’est plus qu’un songe vague et lointain, dont le souvenir l’agite encore sans le rassurer sur lui-même, et il retombe alors dans ses doutes écrasants sur la véritable valeur de son talent ; tortures éternelles des âmes d’élite, qui comparent avec accablement les vanités de l’art à la désespérante grandeur de la nature.

Après avoir ainsi contemplé son dessin, Frank sourit tristement, le couvrit, et alla vers un petit bureau situé de l’autre côté de la cheminée, ouvrit un tiroir, y prit une bourse, et, ayant mis à part quelques pièces d’or, il parut soupirer en voyant le peu qui restait…

Presqu’en même temps, il jeta un rapide et douloureux regard sur sa femme et sur son enfant ; puis, le front appuyé dans ses mains, il resta ainsi accoudé sur le marbre de la cheminée.