Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/45

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mande grâce pour l’épouvantable sottise de ma triviale comparaison ; mais on n’est pas maître de ses impressions. Eh Bien ! quand il m’arrive de subir un ennuyeux, j’éprouve absolument la même sensation que si j’entendais scier un bouchon ; oui, c’est une espèce de grincement sourd, ébréché, inarticulé, monotone, qui me fait parfaitement comprendre la férocité de Tibère et de Néron… Ces tyrans-là avaient surtout dû être extrêmement ennuyés par leurs courtisans.

— Moi, j’avoue mon faible, — dis-je : — j’aime beaucoup… les ennuyeux. Oui, quand vous causez avec une personne spirituelle, ce n’est jamais sans regret que vous voyez arriver la fin de l’entretien… tandis que dans une conversation avec un ennuyeux… oh ! il y a un moment rare, unique, précieux, qui vous paye bien au delà de ce qu il a pu vous faire souffrir. C’est le moment… où la Providence vous l’ôte !…

— Le fait est, — dit lord Falmouth, — que, considéré comme discipline ou mortification, on en peut tirer parti… Mais n’importe, si on pouvait tous les anéantir d’un mot ! d’un seul mot… auriez-vous la philanthropie de le dire, madame la marquise ?