Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/56

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n’en sommes plus au temps des malheurs et des félicités imaginaires ; on prend le sage parti de substituer le positif du bien-être matériel à toute l’idéalité rêveuse et folle de la passion ; il y a donc de nombreuses probabilités pour qu’on se trouve beaucoup plus près du bonheur qu’on ne s’en est jamais trouvé ! Car, même pour les plus complètement doués, il n’y a rien de plus impossible à réaliser que l’idéal ; tandis qu’avec de la raison chacun peut prétendre à s’arranger un petit bonheur matériel fort sortable.

— Ainsi, monsieur, — me dit madame de Pénàfiel avec impatience, — vous niez la passion ? vous dites que de nos jours elle n’existe plus ?

— Je me trompe, madame, il en est encore une, la seule qui reste, et celle-là a concentré en elle la violence de toutes les autres. L’influence de cette passion est immense : c’est la seule enfin qui, bien exploitée, pourrait réagir de nos jours sur toute la société… sur les mœurs, par exemple ? Et, bien que nous soyons, hélas ! à mille lieues du laisser-aller si gracieux des grandes époques du plaisir et de la galanterie, la passion dont je vous parle, madame, pourrait presque changer chaque salon de Paris en