Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/12

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leur concentrée ressemble à une rage muette que la honte contient, à une morsure aiguë que la vanité cache ; l’envie et la haine vous rongent, mais vos yeux sont secs, et le malheur d’autrui peut seul vous arracher quelque pâle et morne sourire.

Telles furent du moins les deux nuances de chagrin bien tranchées que je ressentis, lors de la mort de mon père, et lors de ma rupture avec Hélène et Marguerite.

Ce n’était pas tout : à peine avais-je quitté Paris avec lord Falmouth, que, par un misérable caprice, je me repentais d’avoir entrepris ce voyage ; non que j’en redoutasse l’issue, mais j’aurais préféré être seul, pour pouvoir bien envisager mon chagrin, lutter avec lui corps à corps, et en triompher peut-être.

Je l’ai bien souvent éprouvé : quand on souffre, rien de plus funeste que de vouloir se distraire de sa douleur.

Si pendant quelques moments vous parvenez à engourdir vos maux, le réveil en est horrible.

Lorsque vous vous trouvez tout à coup précipité dans l’abîme de la souffrance morale, après le choc terrible qui ébranle, qui meurtrit jusqu’aux fibres les plus délicates de votre