Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/13

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cœur, ce qu’il y a surtout d’affreux, c’est cette nuit subite, noire et profonde de l’âme, qui ne lui permet pas même de voir les mille plaies qui la déchirent.

Affreusement brisé, vous gisez anéanti au milieu d’un chaos de douleurs sans nom ; puis, peu à peu, la pensée succède au vertige ; ainsi que la vue s’habitue à distinguer les objets dans les ténèbres, vous commencez, si cela se peut dire, à vous reconnaître dans votre désespoir.

Alors, sinistres et décolorés comme des spectres, surgissent lentement un à un autour de vous les regrets navrants du passé, les visions enchanteresses d’un avenir qui ne sera plus jamais ; alors vous apparaissent les fantômes des heures les plus fortunées, les plus radieuses, les plus dorées d’autrefois… car votre… douleur n’oublie rien… l’écho le plus lointain, le parfum le plus vague, le murmure le plus mystérieux, tout se reproduit impitoyablement à votre pensée ; mais ce mirage d’un bonheur perdu est étrange et sinistre… On croit voir un magnifique paysage, baigné d’azur, de lumière et de soleil, à travers la prunelle vitreuse d’un mourant, et tout semble voilé d’un brouillard gris et sépulcral.