Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/14

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La souffrance est alors à son paroxysme, mais elle ne peut que décroître ; elle est aiguë et pénétrante, mais elle se peut analyser : vos ennemis sont nombreux, sont menaçants, sont terribles, mais vous les voyez, mais vous les pouvez combattre.

Vous luttez ainsi, ou, comme un loup blessé, qui, au fond de son antre, n’attend sa guérison que du temps, replié dans votre souffrance solitaire, vous pouvez, proche ou éloigné, assigner un terme à votre chagrin, et espérer au moins dans l’oubli… L’oubli ! cette seule et inexorable réalité de la vie. L’oubli ! cet océan sans fond où viennent incessamment se perdre toute douleur, tout amour et tout serment.

Et encore, bizarre impuissance de ce qu’on appelle la philosophie humaine ! on sait qu’un jour, que bientôt peut-être, le temps doit effacer tant de peines, et cette conviction si certaine ne peut en rien calmer ou abréger vos tourments.

C’est pour cela, je le répète, qu’il m’a toujours semblé que se distraire de sa douleur, au lieu de l’affronter bien résolument, c’est recommencer chaque jour cette cruelle initiation à la souffrance, au lieu de l’épuiser par son propre excès.