Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/28

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foule d’objections à chaque ordre de son capitaine, et se contenta d’aller promptement les exécuter.

Kernok, après avoir considéré d’un œil attentif la direction du vent et des boussoles, fit un signe à son compagnon et descendit dans sa chambre.

C’est ce compagnon qui vint le chercher dans l’antre de la sorcière. La voix pure et fraîche qui disait : « Kernok, mon Kernok ! », c’était la sienne ; comment n’eût-elle pas été douce, sa voix ! Il était si joli avec ses traits délicats et fins, son grand œil voilé par de longs cils, ses cheveux châtains et soyeux qui s’échappaient des larges bords d’un chapeau verni, et cette taille souple et élancée que dessinait une veste de gros drap bleu, et cette tournure vive et alerte ; comme il marchait libre et dégagé, le col dressé, la tête haute ! Ah ! que Salero ! seulement sa figure paraissait dorée par un rayon du soleil des tropiques.

C’est aussi de ce climat brûlant que Kernok avait ramené ce gentil compagnon, qui n’était autre que Mélie, belle jeune fille de couleur.

Pauvre Mélie ! pour suivre son amant elle avait quitté la Martinique et ses bananiers, et la savane, et sa case aux jalousies vertes. Pour lui, elle eût donné son hamac aux mille couleurs, ses madras rouges et bleus, les cercles d’argent massif qui entouraient ses jambes et ses bras ; elle eût tout donné, tout, jusqu’au sachet qui renfermait trois dents de serpent et un cœur de ramier, charme magique qui devait protéger ses jours tant qu’elle le porterait suspendu à son col.

Ainsi, voyez si Mélie aimait son Kernok.

Il l’aimait aussi, lui, oh ! il l’aimait avec passion, car il avait baptisé du nom de Mélie une longue couleuvrine de dix-huit, placée sur le gaillard d’avant de