Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et qui a donné cet ordre, maître sot ?

— Vous, capitaine.

— Moi !

— Vous, capitaine, en revenant à bord, il y a deux heures ; vrai comme voilà un chasse-marée qui borde sa trinquette », dit Zéli avec un accent de conviction profonde, en montrant par la fenêtre un navire qui exécutait en effet cette manœuvre.

Et Kernok jetait un regard sur Mélie, qui baissait, en souriant, sa jolie tête, pour confirmer l’assertion de Zéli.

Alors il passa rapidement la main sur son front, et dit :

« Oui, oui, c’est bien, dérapez, fais tout préparer pour l’appareillage ; je vais monter. La brise n’a pas molli ?

— Non, capitaine ; au contraire, elle fraîchit beaucoup.

— Va et dépêche-toi. » Le ton de Kernok n’était plus dur et impétueux, mais seulement brusque ; aussi Zéli, voyant que le calme avait succédé à l’agitation de son capitaine, ne put s’empêcher de prononcer un mais…

« Vas-tu recommencer tes mais et tes si ? Prends garde… ou je te casse mon porte-voix sur la tête ! » s’écria Kernok d’une voix de tonnerre en s’avançant sur maître Zéli.

Celui-ci s’esquiva promptement, jugeant bien que son capitaine n’était pas encore dans une situation d’esprit assez paisible pour supporter patiemment ses éternelles contradictions.