Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/111

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— C’est singulier… ça me rappelle une chose…

— Quoi donc, Dagobert ?

— Il y a quinze ans, dans la dernière lettre que votre père, en revenant de France, m’a apportée de ma femme, elle me disait que, toute pauvre qu’elle était, et quoiqu’elle eût déjà sur les bras notre petit Agricol qui grandissait, elle venait de recueillir un pauvre enfant abandonné qui avait une figure de chérubin, et qui s’appelait Gabriel… Et il n’y a pas longtemps, j’en ai eu encore des nouvelles.

— Et par qui donc ?

— Vous saurez cela tout à l’heure.

— Alors, tu vois bien, puisque tu as aussi ton Gabriel, raison de plus pour aimer le nôtre.

— Le vôtre… le vôtre !… voyons le vôtre… je suis sur des charbons ardents…

— Tu sais, Dagobert, reprit Rose, que moi et Blanche nous avons l’habitude de nous endormir en nous tenant par la main.

— Oui, oui, je vous ai vues bien des fois toutes deux dans votre berceau… Je ne pouvais me lasser de vous regarder, tant vous étiez gentilles.

— Eh bien ! il y a deux nuits, nous venions de nous endormir, lorsque nous avons vu…

— C’était donc en rêve ? s’écria Dagobert, puisque vous étiez endormies ! en rêve !