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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/125

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lettre du général ; il avait quitté l’île d’Elbe avec l’empereur ; voilà la guerre qui recommence ; dans cette campagne de France, surtout à Montmirail, mes enfants, votre père se bat comme un lion, et son corps d’armée fait comme lui ; ce n’était plus de la bravoure… c’était de la rage ; il m’a dit qu’en Champagne les paysans en avaient tant tué, tant tué de ces Prussiens, que leurs champs en ont eu de l’engrais pour des années ! hommes, femmes, enfants, tout courait dessus ! Fourches, pierres, pioches, tout était bon pour la tuerie… vraie battue de loups !…

Et les veines du front du soldat se gonflaient, ses joues s’enflammaient, cet héroïsme populaire lui rappelait le sublime état des guerres de la république, ces levées en masse dont il avait fait partie, premier pas de sa vie militaire.

Les orphelines, filles d’un soldat et d’une mère courageuse, se sentaient émues à ses paroles énergiques, au lieu d’être effrayées de leur rudesse ; leur cœur battait plus fort, leurs joues s’animaient aussi.

— Quel bonheur pour nous d’être filles d’un père si brave !… s’écria Blanche.

— Quel bonheur… et quel honneur, mes enfants, car le soir du combat de Montmirail,